
DE QUELQUES LOCUTIONS USITEES
AUX MINES DE SAIN-BEL
Par A. BOURGOIN, ancien directeur
Les mines de SAIN-BEL, dont la fermeture intervint en 1972, étaient des mines de pyrites de fer et de pyrites de cuivre, situées dans l'Ouest Lyonnais.
L'exploitation intéressait les communes de SAINT-PIERRE LA PALUD, SOURCIEUX-LES-MINES et CHEVINAY, sur le canton de l'ARBRESLE. Avant l'arrêt, les bureaux et le siège principal d'extraction se trouvaient à SAINT-PIERRE LA PALUD.
HISTOIRE:
Leur histoire remonte au Moyen-Age, et nous sommes assez bien renseignés sur leur existence dès cette époque, parce qu'elles faisaient partie des trois mines dans lesquelles Jacques CŒUR avait des intérêts en indivis avec les frères BARONNAT de LYON. Dans une quatrième mine de la région, Jacques CŒUR avait aussi engagé des capitaux: c'était la très importante mine de plomb argentifère de PAMPAILLY, sur la paroisse de BRUSSIEU.
Après la condamnation de Jacques CŒUR et la confiscation de ses biens, des inventaires détaillés et des procès-verbaux de visites furent dressé. Pierre GRANIER, nommé gouverneur, a aussi laissé des "Comptes" pendant la période qui a précédé la réhabilitation de l'Argentier. C'est grâce à leur minutie administrative que nous possédons les premiers renseignements, remontant à 1454. Les filons de cuivre étaient alors localisés sur SAINT-PIERRE LA PALUD et CHEVINAY, au lieudit du MARTINET, à l'emplacement appelé "les Vieilles Mines".
Plus tard, au début du XVII° siècle, on a exploité les minerais du PILON, à proximité de SAIN-BEL, d'où la dénomination de "mines de SAIN-BEL" qui commence à apparaître à cette époque.
A partir de la fin du XVII° siècle, des marchands lyonnais s'intéressèrent de nouveau à ces mines, et assurèrent leur développement, grâce à une Compagnie formée en 1761, qui prit le nom d'"Intéressés aux mines de cuivre du Lyonnais". Ces mines de cuivre étaient dites "de SAIN-BEL et de CHESSY".
La fonderie de SAIN-BEL, créée en 1748, traitait les minerais des mines de SAIN-BEL, qui étaient transformés en cuivre noir, affiné ensuite à CHESSY. Les bonnes années, la production pouvait atteindre 80 tonnes de cuivre rosette.
L'épuisement des filons, ainsi que des dissensions chroniques entre les "Intéressés", amenèrent la vente par licitation des deux exploitations, qui furent rachetées en 1840 et 1842 par Claude Marius PERRET, un négociant lyonnais détenteur d'un brevet de fabrication d'acide sulfurique à partir des pyrites.
Dès lors, les abondants filons de pyrites de fer, négligés parce qu'ils ne contenaient pas de cuivre, prirent de la valeur. En pleine prospérité, les mines de SAIN-BEL passèrent, le 1er Janvier 1872, sous le contrôle de la Compagnie de SAINT-GOBAIN, en même temps que tous les autres actifs - mines, usines- de la Société PERRET & ses fils.
Les mines de SAIN-BEL prirent un nouvel essor. Elles comptèrent jusqu'à 800 ouvriers vers les années 1900, et leur record de production s'établit à 320.000 tonnes de pyrites en 1903.
Après la Seconde Guerre mondiale, grâce à la forte demande et à des conditions de gisement favorables, l'extraction atteignit 232.000 tonnes en 1955.
Mais les filons s'appauvrissaient et s'épuisaient. Pendant les années qui précédèrent la fermeture, la mine ne produisait plus que 80.000 tonnes, grillées à l'usine de SAINT-FONS, et finalement, l'arrêt fut décidé pour la mi-1972.
PARTICULARITES DU LANGAGE :
Les anciens métiers - mineurs, paysans, verriers, marins, etc.- sont restés fidèles à des termes venus du passé. Indépendamment de l'attachement à la tradition, d'un certain esprit de corps, les mots en question correspondent à une définition technique précise, et n'avaient pas d'équivalents dans le langage courant.
Mais ce langage traditionnel n'était pas figé, et se modifiait, par apport et disparition de certains mots. L'évolution des techniques pouvait intervenir: ainsi, les "kastes" figurent dans les registres d'avancement des mines de SAIN-BEL jusqu'aux années 1870. Aucun mineur de SAINT-PIERRE LA PALUD n'en connaîtrait aujourd'hui la signification, pour la simple raison que la méthode d'exploitation par "kastes" (ou gradins descendants), très répandue autrefois, a cessé d'être pratiquée depuis longtemps.
En 1839, certains types de fleurets étaient appelés "forstechers", de l'allemand "vorstecher", "percer en avant". Le mot a disparu, ainsi que ce type d'article.
La diversité du recrutement apportait la diversité des expressions: au cours des siècles, Lorrains, Suisses, Saxons, Tyroliens, Autrichiens, sans parler des Français de diverses provinces, ont travaillé aux mines de SAIN-BEL.
Cette évolution du langage, aux origines multiples, est à constater plutôt qu'à expliquer. Ainsi, pour le soutènement, les "Comptes" de GRANIER parlent de "cintrer et appoyer un voyage", là où nous dirions "cadrer et soutenir une galerie". En 1839, un "cadre" était décrit comme composé de "deux piles et d'un chapeau". Un document, datant de 1934-1939, parle de "deux buttes et une challe". Enfin, ces dernières années, la tendance était plutôt de dire "deux buttes et un chapeau".
INFLUENCE DES ALLEMANDS :
Les districts métallifères de SAXE, du HARTZ, du TYROL, de BOHEME, de HONGRIE ont été le "berceau et le soutien de l'art des mines en Europe. Les "Comptes" de GRANIER nous donnent les noms de 42 ouvriers de martel (mineurs d'abattage) allemands travaillant à la mine de PAMPAILLY, en 1455-1456. L'encadrement était composé en majorité d'Allemands: "maîtres de montagne", "chappuys" et "appoyeurs de montagne", que nous traduirions par charpentiers et boiseurs. Le charpentier jouait un rôle important: la machinerie (roues hydrauliques, arbres à cames, manèges, bacs de lavage, chariots, etc.) était en bois et fort élaborée, ainsi que le montrent les dessins du "De Res Metallica" d'AGRICOLA. Ces spécialistes étaient également "niveleurs", ou géomètres souterrains, et pouvaient avoir quelques notions du traitement des minerais, bien que fondeurs et affineurs aient constitué une catégorie bien à part.
Plus tard, les "Intéressés" employèrent, eux aussi, de nombreux Allemands, dont quelques noms nous sont parvenus par les archives et les registres paroissiaux. Leur présence ne manquait pas de provoquer des tensions, et nous avons le texte d'une requête adressée à l'Intendant par BLANCHET, l'un des "Intéressés", qui supplie qu'on ordonne que "Claude JOLY, de la paroisse de SAINT-PIERRE LA PALUD, soit emprisonné pour l'avoir menacé de lui casser la cervelle d'un coup de fusil et avoir pris des pierres, le tout fondé sur ce que les mineurs Français prétendaient être payés autant que les Allemands".
Deux maîtres-mineurs de cette nationalité ont laissé leur marque aux mines de SAIN-BEL :
- Christian Gottlieb METTIG, conducteur des mines, qui, à partir de 1756, prit en main les mines de SAIN-BEL et de CHESSY, établit le projet et réalisa la galerie d'écoulement du PILON vers SAIN-BEL ;
- Christian Trangott WÖlNER, qui, vers 1810, découvrit le filon de "mine bleue" à CHESSY.
